L’helvétisme en bandoulière

Je ne connais rien de plus agaçant qu’un neutre. Je ne parle pas de l’indécis, non ce n’est pas cela ; l’indécis lui a le mérite de ne pas savoir, de ne pas avoir d’opinion, il écoute les uns et les autres, se tracasse, il cherche « Dieu que je voudrais bien avoir un avis, mais pardonnez mois je ne sais pas… je ne vois pas, la question n’est pas aisée… ».

Le neutre parfaitement certain de son point de vue, car il en a bien un, joue de son arrogant statut et s’impose en arbitre suprême. Il vous toisera de haut en bas, s’il penche en votre faveur ça va, mais si par malheur il est de l’autre bord, soyez en sûr il vous coupera « écoute cet argument ci, il est intéressant… il faut l’entendre, moi qui suis neutre dans cette affaire, je suis plutôt d’accord avec ça ! ».

L’helvète conversationnel n’a jamais tort, si sa position latente est adoptée et que par malheur pour l’honnête Homme qui l’a défendue s’avère être une erreur, il passera du rôle d’arbitre à celui de juge « avec des postures aussi tranchées on court toujours droit dans le mur… Je vous avais bien dit qu’il ne fallait pas le faire… avec toi on ne peut pas discuter… », cette dernière réplique vous sera ressortie à toutes les sauces par les faibles d’esprit incapable de toute argumentation, généralement saupoudrée avec minutie de : « de toute façon tu as toujours raison », « les autres sont tous des cons à t’écouter » « il n’y a que toi qui fait bien », non, j’ai juste un avis, mais je ne doute pas qu’à la lecture ce texte ou « billet d’humeur » (pour les lecteurs de Télérama ou des Inrocks), d’aucun le trouveront prétentieux et accusateur, mais que voulez-vous, je ne connais rien de plus agaçant qu’un neutre !

Flavien Bernard, le 26 novembre 2014