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Flavien Bernard
29 août 2019

Camino de Santiago, le récit : Chapitre XVII

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Entre la courte marche de Gramat à Rocamadour et la journée de repos, il m'eut été difficile de reprendre le chemin. D'une part parce qu'il est épuisant à la sortie de Rocamadour, mais aussi parce que mon court séjour là-bas m'eut tellement donné envie d'y rester encore plus longtemps. Nonobstant, je sentais que ce n'était plus ma place et qu'il me fallait aller de l'avant. J'ai donc trainé ma carcasse jusqu'à Labastide-Murat.

Arrivé sur la place principale, je fus reconnu par un pèlerin qui avait entendu parler de mon histoire et tenait à m'offrir une bière, il s'agissait d'un honorable canadien d'une cinquantaine d'années, répondant au nom de Martin. Parti du Puy-en-Velay et se dirigent vers Saint Jean Pied de Port, où il mettra en pause son pèlerinage pour cette année avant de le poursuivre la suivante, il avait aussi fait le choix de passer par Rocamadour. Si je fus surpris de me faire interpellé par un inconnu, je n'en étais pas moins heureux que ce fut par un pèlerin, ils se faisaient rare ces temps derniers. La plupart ne font pas la variante par la vierge noire.
Nous bûmes notre sous, Martin me complimenta sur ma manière d'aborder le chemin, puis se rendit à son gîte où il m'invita à passer la nuit.
Je déclinai l'offre, nanti des cents balles miraculeusement reçus la veille, je lui dis que je n'en avais pas besoin. Il n'insista pas et me souhaita une bonne soirée.

Passant devant le gîte municipal, j'en consultai les tarifs que je trouvais fort honnêtes. Seul inconvénient, il fallait appeler le bénévole de permanence pour y faire l'entrée. Comme tu le sais cher lecteur, j'avais pris soin, dès mon départ, de détruire mon téléphone portable. Je me rendis donc à la boulangerie d'à côté pour demander à passer le coup de téléphone. J'ai profité des trente minutes annoncées par la bénévole avant son arrivée pour faire quelques emplettes, puis allai à sa rencontre. Formalités faites, j'appris que je serai, pour la nuit, le seul occupant du lieu.
C'est donc reclus dans cette immense bâtisse que j'ai préparé ma tambouille, cassé la croûte et que pris par un affreux sentiment d'isolement, je me suis précipité dehors pour prendre l'air et humer l'humeur nocturne de la ville.
Pas âme qui vive en la cité natale du maréchal de l'empire. Je pris une tisane au café qui allait fermer ses portes, tapai une clope au gérant qui fumait d'immondes gitanes sans filtres, et retournai dans mon désert palace.
Je mis beaucoup de temps à m'endormir. C'était la première fois que je me retrouvais totalement seul depuis mon départ. Pas un ronflement, pas un bruit de page qui tourne sous les doigts d'un pèlerin couche-tard, pas une messe basse retenant la belle rencontre du jour qui s'évanouirai dans le silence de la nuit.
Rien, nada. Ce n'était pas tant la solitude soudaine qui me troublait, car après tout je marchais bien souvent seul. Mais cette absence totale de vie.
Je finis tout de même par m'endormir, pour me réveiller au lever du soleil, où je pris mon petit déjeuner dans la même sinistre ambiance.

Je n'ai pas trainé et partis une fois mon café enfilé et ma douche froide bâclée.
Le chemin entre Labastide-Murat et Vers est un étonnant voyage en forêt enchantée. Tu y longes un sublime court d'eau, entouré d'arbres recouverts de lichen, reliés les uns aux autres par d'immenses toiles tissées par d'étranges vers suspendus à leur fil se balançant dans le vide. C'est là que ton bourdon est particulièrement utile pour dégager ton chemin sans quoi tu t'en prendrais plein la gueule.
Arrivé vers un petit gué en pierre, sans doute l'endroit le plus beau de cette parcelle, je me suis arrêté pour en savourer la beauté.
Quelques dizaines de minutes plus tard, je fus rejoint par Martin, qui s'assis à mes côté. "Tu veux-tu manger ?", me dit-il, sortant de son sac une baguette à l'ancienne, un bloc de foie gras et un confi d'oignon. "On ne se refuse rien", lui dis-je, "avec plaisir, j'ai aussi de quoi agrémenter le repas", continuais-je en sortant de mon sac, un bocal de terrine à l'andouille de Guémené, du fromage et un avocat.

- Calice, il parait qu'on est dans la région du foie gras, c'était l'occasion de s'en faire un sous-marin ! Me dit-il.
- Un sous-marin ? Lui demandais-je sans pouvoir masquer mon amusement quant à son accent.
- Oui chez nous les sandwichs c'est avec du pain de mie, quand c'est fait avec du vrai pain on appelle ça un sous-marin… Parce que ça ressemble à un sous-marin.
- Ha ha ha ! Pas con ! En revanche je te déconseille fortement d'en faire un sous-marin mais plutôt une planche de surf.
- Une planche de surf ?
- Bas je me dis que ce serait un bon nom pour une tartine. Parce-que tu profiteras plus de la saveur du foie gras sous cette forme qu'en submersible.
- J'te fais confiance, maudit Français, vous savez toujours mieux comment accommoder vos mets. Et qu'est-ce c'est donc que ton pâté à l'andouille de Guémené ?
Amis lecteur j'aimerai tellement que tu fus présent à ce moment-là pour l'entendre prononcer "Guémené" dans son accent ! Et aussi pour m'aider à lui expliquer la composition de ce délice sans l'en dégouter. Je me contentai de lui dire qu'il s'agissait d'une spécialité bretonne.
Nous commençâmes la dégustation, quand deux autres convives se joignirent à nous.
A quatre nous avons absolument tout dévoré, sauf l'avocat. Les commensaux furent unanimes, si le foie gras était très bon, la terrine était divine.
Nous nous baignâmes, puis chacun reparti à son rythme.

Arrivé à Vers, tous les gîtes étaient complets, je me suis rabattu sur le camping, où je fis la rencontre de camping-caristes, qui, me voyant, comprirent que je fus le premier pèlerin qu'ils aient croisé de leur vie. Ils m'invitèrent à partager leur apéritif et leur repas.
L'heure du couché arrivant, je redoutais fortement l'averse, ce qui ne manqua pas de se produire. Je m'installai donc, sous l'avancé de toit des sanitaires et y ai passé une très bonne nuit.

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Commentaires
M
Toujours aussi intéressant à lire vivement la suite
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